jeudi 30 avril 2009

Plus ça change, plus c'est pareil!

Alors qu’aujourd’hui le 30 avril 2009, c’est le jour limite de l’impôt au Québec et au Canada, il est bon de se rappeller les paroles de Frédéric Bastiat sur le sujet, paroles qui sont toujours d’actualité aujourd’hui.






Ne vous est-il jamais arrivé d'entendre dire :

«L'impôt, c'est le meilleur placement ; c'est une rosée fécondante? Voyez combien de familles il fait vivre, et suivez, par la pensée, ses ricochets sur l'industrie : c'est l'infini, c'est la vie!».

Pour combattre cette doctrine, je suis obligé de reproduire la réfutation précédente. L'économie politique sait bien que ses arguments ne sont pas assez divertissants pour qu'on puisse dire : Repetita placent. Aussi, comme Basile, elle a arrangé le proverbe à son usage, bien convaincue que dans sa bouche, Repetita docent.

Les avantages que les fonctionnaires trouvent à émarger, c'est ce qu'on voit. Le bien qui en résulte pour leurs fournisseurs, c'est ce qu'on voit encore. Cela crève les yeux du corps.

Mais, le désavantage que les contribuables éprouvent à se libérer, c'est ce qu'on ne voit pas, et le dommage qui en résulte pour leurs fournisseurs, c'est ce qu'on ne voit pas davantage, bien que cela dû sauter aux yeux de l'esprit.

Quand un fonctionnaire dépense à son profit cent sous de plus, cela implique qu'un contribuable dépense à son profit cent sous de moins. Mais, la dépense du fonctionnaire se voit, parce qu'elle se fait ; tandis que celle du contribuable ne se voit pas, parce que, hélas, on l'empêche de se faire.

Vous comparez la nation à une terre desséchée et l'impôt à une pluie féconde. Soit! Mais, vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n'est pas précisément l'impôt qui pompe l'humidité du sol et le dessèche.

Vous devriez vous demander encore s'il est possible que le sol reçoive autant de cette eau précieuse par la pluie qu'il en perd par l'évaporation.

Ce qu'il y a de très positif, c'est que, quand Jacques Bonhomme compte cent sous au percepteur, il ne reçoit rien en retour. Quand, ensuite, un fonctionnaire dépensant ces cent sous les rend à Jacques Bonhomme, c'est contre une valeur égale en blé ou en travail. Le résultat définitif est pour Jacques Bonhomme une perte de cinq francs.

Il est très vrai que souvent, le plus souvent si l'on veut, le fonctionnaire rend à Jacques Bonhomme un service équivalent. En ce cas, il n'y a pas perte de part ni d'autre, il n'y a qu'échange. Aussi, mon argumentation ne s'adresse-t-elle nullement aux fonctions utiles. Je dis ceci : si vous voulez une fonction, prouvez son utilité! Démontrez qu'elle vaut à Jacques Bonhomme, par les services qu'elle lui rend, l'équivalent de ce qu'elle lui coûte! Mais, abstraction faite de cette utilité intrinsèque, n'invoquez pas comme argument l'avantage qu'elle confère au fonctionnaire, à sa famille et à ses fournisseurs ; n'alléguez pas qu'elle favorise le travail!

Quand Jacques Bonhomme donne cent sous à un fonctionnaire contre un service réellement utile, c'est exactement comme quand il donne cent sous à un cordonnier contre une paire de souliers. Donnant donnant, partant quittes! Mais, quand Jacques Bonhomme livre cent sous à un fonctionnaire pour ne recevoir aucun service ou même pour recevoir des vexations, c'est comme s'il les livrait à un voleur. Il ne sert à rien de dire que le fonctionnaire dépensera ces cent sous au grand profit du travail national ; autant en eu fait le voleur ; autant en ferait Jacques Bonhomme s'il n'eu rencontré sur son chemin, ni le parasite extra-légal, ni le parasite légal.

Habituons-nous donc à ne pas juger des choses seulement par ce qu'on voit, mais encore par ce qu'on ne voit pas!

L'an passé, j'étais du Comité des finances, car, sous la Constituante, les membres de l'opposition n'étaient pas systématiquement exclus de toutes les Commissions ; en cela, la Constituante agissait sagement. Nous avons entendu monsieur Thiers dire : «J'ai passé ma vie à combattre les hommes du Parti légitimiste et du Parti prêtre. Depuis que le danger commun nous a rapproché, depuis que je les fréquente, que je les connais, que nous nous parlons cœur à cœur, je me suis aperçu que ce ne sont pas les monstres que je m'étais figurés.».

Oui, les défiances s'exagèrent, les haines s'exaltent entre les partis qui ne se mêlent pas ; et si la majorité laissait pénétrer dans le sein des Commissions quelques membres de la minorité, peut-être reconnaîtrait-on, de parts et d'autres, que les idées ne sont pas aussi éloignées et, surtout, les intentions aussi perverses qu'on le suppose.

Quoi qu'il en soit, l'an passé, j'étais du Comité des finances. Chaque fois qu'un de nos collègues parlait de fixer à un chiffre modéré le traitement du président de la République, des ministres, des ambassadeurs, on lui répondait :

«Pour le bien même du service, il faut entourer certaines fonctions d'éclat et de dignité. C'est le moyen d'y appeler les hommes de mérite. D'innombrables infortunes s'adressent au président de la République et ce serait le placer dans une position pénible que de le forcer à toujours refuser. Une certaine représentation dans les salons ministériels et diplomatiques est un des rouages des gouvernements constitutionnels, etc., etc.».

Quoique de tels arguments puissent être controversés, ils méritent certainement un sérieux examen. Ils sont fondés sur l'intérêt public, bien ou mal apprécié ; et, quant à moi, j'en fais plus de cas que beaucoup de nos Cantons, mus par un esprit étroit de lésinerie ou de jalousie.

Mais, ce qui révolte ma conscience d'économiste, ce qui me fait rougir pour la renommée intellectuelle de mon pays, c'est quand on en vient (ce à quoi on ne manque jamais) à cette banalité absurde, et toujours favorablement accueillie :

«D'ailleurs, le luxe des grands fonctionnaires encourage les arts, l'industrie, le travail. Le chef de l'État et ses ministres ne peuvent donner des festins et des soirées sans faire circuler la vie dans toutes les veines du corps social. Réduire leurs traitements, c'est affamer l'industrie parisienne et, par contrecoup, l'industrie nationale!»

De grâce messieurs, respectez au moins l'arithmétique et ne venez pas dire devant l'Assemblée nationale de France, de peur qu'à sa honte elle ne vous approuve, qu'une addition donne une somme différente, selon qu'on la fait de haut en bas ou de bas en haut!

Quoi! Je vais m'arranger avec un terrassier pour qu'il fasse une rigole dans mon champ, moyennant cent sous. Au moment de conclure, le percepteur me prend mes cent sous et les fait passer au ministre de l'Intérieur ; mon marché est rompu, mais monsieur le ministre ajoutera un plat de plus à son dîner. Sur quoi, vous osez affirmer que cette dépense officielle est un surcoût ajouté à l'industrie nationale! Ne comprenez-vous pas qu'il n'y a là qu'un simple déplacement de satisfaction et de travail? Un ministre a sa table mieux garnie, c'est vrai ; mais, un agriculteur a un champ moins bien desséché et c'est tout aussi vrai. Un traiteur parisien a gagné cent sous, je vous l'accorde ; mais, accordez-moi qu'un terrassier provincial a manqué de gagner cinq francs! Tout ce qu'on peut dire, c'est que le plat officiel et le traiteur satisfait, c'est ce qu'on voit ; le champ noyé et le terrassier désœuvré, c'est ce qu'on ne voit pas.

Bon Dieu! Que de peine à prouver en économie politique que deux et deux font quatre ; et, si vous y parvenez, on s'écrie : «C'est si clair que ça en est ennuyeux.». Puis on vote comme si vous n'aviez rien prouvé du tout.

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