Le PLQ a peur des débats, dit un ancien président
Antoine Robitaille
Édition du mardi 26 mai 2009
Le Devoir, page A-8
Le culte de la personnalité autour de Jean Charest indispose des libéraux
Québec -- Le Parti libéral du Québec risque de devenir une «machine à gagner des élections» où la critique est pratiquement proscrite. C'est ce que craint l'ex-président du PLQ de 1985 à 1989, Robert Benoît. Député d'Orford de 1989 à 2003, M. Benoît a constaté avec dépit la disparition du «Comité de suivi des engagements électoraux» du PLQ qu'il avait mis sur pied en 1985 et qu'il avait maintenu avec l'appui de Robert Bourassa.
Le Devoir révélait hier que cet important Comité, issu de la Commission politique du parti, avait été pratiquement aboli dans les deux dernières années. Il effectuait, depuis 1985, un suivi serré des engagements du parti lorsqu'il était au pouvoir. À certaines époques, notamment en 2004, il a même fait rapport en public aux militants, lors des Conseils généraux. Depuis l'élection de 2007, il n'a plus de président et les autorités du PLQ ont confirmé au Devoir, au Conseil général à Laval, que ce type d'exercice se ferait désormais à huis clos.
«Je pense qu'il y a des gens dans le parti qui ont peur d'avoir peur», lance Robert Benoît, en ajoutant qu'un «bon leader normalement, n'a pas peur d'affronter de bons arguments, de défendre les siens et de rallier tout le monde.». M. Benoît se souvient que ce sont les sondages indiquant que les politiciens étaient en «décrépitude dans l'opinion» qui l'avaient motivé à proposer une telle solution, laquelle avait, à l'époque, été adoptée par des partis en Ontario.
Ancien vendeur à la Banque Royale du Canada, M. Benoît avait, dans les années 1980, pris exemple sur les gagnants dans son domaine : ceux qui y réussissaient «étaient à la hauteur de ce qu'ils avaient promis». Les autres échouaient. «Je m'étais dit et je me dis encore que c'est la même chose en politique : on ne peut pas promettre n'importe quoi pendant une campagne électorale et ensuite faire n'importe quoi!».
Robert Benoît convient que pour un gouvernement, c'est certes «un peu fatigant» d'avoir un tel Comité issu du parti qui s'adonne à l'auto-critique. En 22 ans d'existence, le Comité, qui a déjà été présidé par Thierry Vandal (maintenant président d'Hydro-Québec), a empêché le gouvernement de dégeler les droits de scolarité dans les années 1980, a exprimé une déception au sujet de l'Accord de Charlottetown, a critiqué le projet de Centrale du Suroît, la non-réalisation de la promesse de baisser les impôts, etc. Mais, Robert Benoît se souvient que Robert Bourassa (honoré en fin de semaine par le PLQ) «était tout à fait d'accord avec ça». «Quand je lui en avais parlé, il voyait bien dans les sondages que la crédibilité des hommes politiques périclitait. "Si c'est une des choses qui peuvent nous aider à ramener la confiance, allons de l'avant!", m'avait-il dit.», raconte M. Benoît, 65 ans, qui a été adjoint parlementaire au premier ministre.
Or, la disparition du Comité est pour lui un signe que le PLQ a bien changé, qu'il est devenu extrêmement discipliné, ce qui déplaît notamment aux «gens de [sa] gang qui sont arrivés avec M. Claude Ryan», raconte-t-il. «Pour M. Ryan, le Parti libéral, ce n'était plus juste une machine à gagner des élections. C'était une machine à réfléchir sur la société. Enfin, aujourd'hui, il y a encore une Commission politique...», note, un peu dépité, l'ancien critique en matière d'Environnement du Parti libéral qui a participé à la rédaction du programme libéral de 2003. C'est d'ailleurs dans un dossier environnemental, la vente partielle du Mont-Orford, qu'il s'est brouillé avec le gouvernement.
Robert Benoît concède qu'un «parti politique a tout à fait le droit de refaire ses structures» et que le Comité n'était «pas un dogme». «Mais moi, je trouvais qu'une auto-critique, ce n'est pas mauvais en soi dans une formation politique. Je le pense encore.».
Club social
Après les élections de 2007, un autre ancien de l'ère Ryan, John Parisella, qui a été chef de cabinet de Robert Bourassa et qui est actuellement conseiller spécial de Jean Charest, soutenait qu'«il ne faut pas que le Conseil général soit un club social. Il faut que ce soit un lieu de débats politiques. Ça enverra des signaux [selon lesquels] le Parti libéral est bien vivant», avait-il proposé en reprenant du service.
Joint hier, il a éclaté de rire lorsque Le Devoir lui a rappelé cette phrase qui, à ses yeux, «date pas mal». «Le Comité [de suivi des engagements électoraux] existait lorsque j'ai fait ce commentaire!», a-t-il ajouté. Selon lui, le Comité n'a jamais vraiment été une instance du parti. «Ce sont les instances qui sont importantes et, dans les instances, ça discute, ça défend les résolutions qu'elles ont fait adopter. La Commission-Jeunesse, par exemple.». M. Parisella concède qu'il y a toujours un risque «comme dans tous les partis» de voir les membres du PLQ devenir de moins en moins des militants et se transformer en «supporter», à l'instar des membres de partis américains «réduits au rôle de rubber stamping». Mais, il se dit confiant en l'avenir puisqu'«il y a une nouvelle génération de jeunes qui s'implique» et qui ragaillardit le parti, selon lui.
Un militant de longue date et actif au PLQ fait remarquer que «les partis sont différents selon les circonstances». Or, «ça fait un an et demi qu'on est soit en pré-élection, soit en situation minoritaire. On a pris l'habitude de se serrer les coudes et d'être ultra-prudents pour ne pas nuire. Là, il faut qu'on reprenne l'habitude d'être plus originaux, ambitieux alors qu'un cycle de gouvernement commence. Ça va revenir.», dit-il. Pour lui, le «Comité de suivi des engagements électoraux» relevait d'une sorte de «show-business» qui n'était pas vraiment un outil utile au PLQ. «Ça facilitait trop la job des journalistes!».
Culte de la personnalité
Selon d'autres personnages du PLQ, il y a eu pire erreur, en fin de semaine à Laval, que l'abolition d'un Comité «de toute façon devenu insignifiant». Il y a eu bien pire que l'unanimité autour d'une thématique «de toute façon bien choisie et pertinente» : l'énergie. Quelle erreur? Cette sorte de «culte de la personnalité» qui a conduit les militants à sacrer Jean Charest, pourtant en exercice, «grand bâtisseur» du Québec. «M. Bourassa n'aurait jamais permis ça. Il les aurait fait enlever, les pancartes!» Une autre source souligne qu'un «René Lévesque aurait été furieux s'il avait su qu'on lui érigeait une statue et c'était René Lévesque! [...] L'Histoire, c'est les autres qui l'écrivent à ton sujet.». Il est difficile de trouver des précédents de partis qui aient commis ce type de «faute de goût», ajoute la source. «Peut-être que le parti a décidé de faire ça et qu'il [Jean Charest] n'était pas au courant. J'espère.».
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