Québec solidaire : quelle est la place pour un parti d'extrême-gauche???

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le cadre de la campagne électorale québécoise, le sociologue Mathieu Bock-Côté se livre à une analyse de la situation des partis politiques!!! En 2012, j'avais fait cet exercice et, cette année, mon analyse est, pratiquement, la même que celle de Bock-Côté!!! Alors, je vous la présente!!! Dans ce billet, je vous présente son analyse de Québec solidaire!!! Elle a été publiée, le 12 mars 2014!!!

Bonne lecture!!!

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Il y a deux ans, le «printemps étudiant» et la rumeur d’une prochaine décomposition du PQ laissaient espérer, à Québec solidaire, une authentique percée électorale!!! À Montréal, il espérait obtenir plusieurs députés, en plus d’obtenir un score qui aurait été significatif dans certaines régions du Québec!!! Les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances, même si sa cheffe, Françoise David, s’est faite élire, dans Gouin!!! Mais, une chose qui est certaine est que, pour QS, le printemps 2014 n’a pas le charme révolutionnaire que pouvait avoir le printemps 2012!!! Une bonne conjoncture a mal servi QS!!! Comment une mauvaise conjoncture pourrait-elle servir ce parti???

Je l’ai noté, ailleurs : autant l’espace politique québécois semblait être en reconfiguration, au printemps 2012, autant il semble s’être consolidé, aujourd’hui, les deux partis traditionnels, soit le PQ et le PLQ, étant parvenus à prendre en charge la plupart des préoccupations qui caractérisaient le nouveau cycle politique dans lequel nous entrions!!! Surtout, la renaissance de la question nationale favorise le retour à un vigoureux bipartisme!!! Québec solidaire a dû se demander, dans ce contexte politique qui lui est défavorable, quel créneau il pouvait adopter, ne serait-ce que pour continuer à croître un peu!!! Comment peut-il se faire entendre, par les électeurs, au-delà des deux circonscriptions ou des trois circonscriptions où il est en symbiose, avec eux???

Évidemment, aucune société n’est jamais, complètement, absorbée, par ses principaux représentants et l’époque dégage un espace politique pour les partis contestataires!!! Des sociétés qui sont en crise favorisent, inévitablement, la radicalisation des partis politiques, dans la mesure où ceux-ci captent l’exaspération populaire envers un système qui semble être déréglé!!! Mais, Québec solidaire se love, plutôt, dans les thèmes qui sont à la mode de la rectitude progressiste et il joue bien mal la carte du «populisme de gauche», d’autant plus que Françoise David a éclipsé Amir Khadir comme étant la figure qui est dominante de ce parti!!!

Théoriquement, QS pourrait vouloir capitaliser sur l’opposition à la Charte des valeurs québécoises, dans la gauche multiculturaliste et dans la gauche souverainiste!!! Et, de fait, on a vu plusieurs souverainistes qui étaient, médiatiquement, reconnaissables annoncer qu’ils quittaient le PQ, alors que, dans certains cas, ils l’avaient déjà quitté, depuis un certain temps, pour QS!!! Ce parti permettrait de conjuguer un engagement souverainiste avec un refus du virage identitaire qui a été enclenché, par le PQ, en 2007, et qui a été confirmé, en 2012!!! QS se présente ainsi comme étant l’espace-refuge pour un électorat qui ne se retrouverait pas dans le souverainisme «nouveau genre» du PQ, mais qui voudrait continuer de se ranger dans le camp du OUI!!!

Mais, ces quelques figures ont beau se prendre pour la conscience qui est en exil du souverainisme bon chic bon genre et se laisser instrumentaliser par ceux qui voudraient bien représenter les souverainistes comme étant un mouvement qui est, gravement, déchiré, par la Charte des valeurs québécoises, elles sont déconnectées des grandes tendances de l’électorat francophone!!! D’ailleurs, on n’oubliera pas que Françoise David s’était inquiétée du débat public, sur la Charte des valeurs québécoises!!! Selon elle, une question qui est aussi sensible ne devrait pas être soumise à l’électorat!!! La gauche radicale n’a-t-elle pas la tentation du despotisme éclairé??? Comment pourrait-elle consentir à remettre le pouvoir à un peuple qu’elle s’imagine être pétri de préjugés???

D’ailleurs, QS est pris dans un paradoxe, la moitié de son électorat, selon certains sondages, étant favorable à la Charte des valeurs québécoises!!! C’est que la vieille gauche nationale, qui est passée par le RAP, puis par l’UFP, ne vibre pas aux mêmes thèmes que la gauche communautaire, qui est d’une toute autre provenance et qui contrôle l’appareil du parti et son discours!!! C’est ici que l'on retrouve de vieilles querelles qui caractérisent la complexe Histoire de la gauche radicale du Québec!!! Entre ceux qui souhaitaient «l’indépendance et le socialisme» et ceux qui refusaient le nationalisme, parce qu’ils y voyaient un piège bourgeois qui divisait la classe ouvrière pan-canadienne et qui se sont recyclés dans la lutte «minoritariste» et dans le multiculturalisme, le mariage a toujours été complexe!!!

Il y a quelques jours, QS a, peut-être, cru être touché par la grâce des cieux, en voyant surgir Pierre-Karl Péladeau (PKP), dans l’équipe du Parti Québécois!!! Ses leaders croient qu’une rhétorique «anti-PKP» pourrait ramener, vers eux, les électeurs péquistes qui sont les plus à gauche et qui partageraient une même haine à son endroit!!! Et, c’est bien de haine qu’il faut parler!!! Il fallait entendre Françoise David exprimer son aversion qui est viscérale, à l’endroit de PKP, en laissant entendre qu’elle ne ferait jamais cause commune avec un homme qu’elle semble prendre pour le voyou en chef du Québec!!! Refuserait-elle de rejoindre un camp du OUI dont il serait une importante figure??? La question doit se poser!!!

Mais, c’est Amir Khadir qui, encore une fois, s’est dépassé, dans l’outrance, en comparant PKP à l’ayatollah Khomeiny!!! Comment Khadir n’a-t-il pas compris qu’il se discréditait lui-même, en disant ça??? On y voit, encore une fois, ici, le principal travers de la gauche radicale!!! Puisqu’elle se croit la propriétaire de la vertu et puisqu’elle s’imagine être la dépositaire du Bien et être en lutte contre le Mal, elle ne peut s’empêcher de diaboliser ses adversaires!!! Et, c’est ainsi que l’idée d’une coalition des souverainistes de gauche et des souverainistes de droite, pour arriver au pays, a conduit Amir Khadir à une comparaison qui est aussi sotte qu’odieuse!!! Si la droite représente le Mal, celui qui y touche, ne serait-ce qu’avec le bout des doigts, est contaminé à jamais!!!

C’est tout le rapport qui est trouble au souverainisme de QS qui se révèle, ici!!! Officiellement, QS est un parti souverainiste!!! Et, sans aucun doute, un grand nombre de ses membres sont souverainistes!!! Mais, idéologiquement, QS conditionne l’indépendance à un projet de société qui est socialisant et dont elle devrait, obligatoirement, accoucher, sans quoi elle ne vaudrait pas la peine d'être faite!!! Pour QS, avoir un pays ne veut rien dire, si ce pays n’est pas modelé par un projet de société «de gauche»!!! Pire, encore : en faisant l’indépendance politique, sans l’accompagner d’une rupture qui soit, plus ou moins, affichée avec le capitalisme ou avec le «néolibéralisme», on la gâcherait et on sacrifierait une possibilité de transformer, radicalement, la société!!!

C’est ici que QS risque de frapper un mur!!! Il y a, certainement, des électeurs francophones qui se reconnaissent, dans le projet de société de QS, ou, du moins, qui cherchent une option contestataire, dans le système politique!!! Autrement dit, QS correspond à une vraie tradition politique qui remonte à la Révolution tranquille!!! Aujourd’hui, l’anti-capitalisme, l’écologisme pur et dur, le féminisme radical et l’alter-mondialisme qui est militant peuvent, probablement, s’y retrouver!!! Les souverainistes multiculturalistes s’y sentiront aussi, probablement, à l’aise!!! La question est de savoir, alors, ce qui lie ces gens!!!

Il se pourrait, finalement, que QS, tôt ou tard, soit appelé à clarifier sa position sur l’indépendance, une bonne fois pour toutes!!! Il sera, alors, probablement, appelé à devenir ce qu’il est, soit une coalition des mouvances de la gauche radicale, là où les souverainistes conditionnels et les fédéralistes socialistes travaillent ensemble, pour servir un idéal de société qui peut, certainement, s’exprimer, légitimement, dans la cité, mais qui a bien peu à voir avec la réalisation d’un nouveau pays!!!