
Par : Guillaume S. Leduc
Depuis la Conférence de Copenhague, nombreux sont les observateurs de la scène politique (fédérale comme provinciale) qui voient en l’environnement l’enjeu qui pourrait replonger le Canada dans une crise du fédéralisme. Cette fois-ci, nous assisterions à une confrontation entre les provinces exploitant les sables bitumineux (l'Alberta et la Saskatchewan) et les deux provinces les plus populeuses du Canada (l'Ontario et le Québec).
Les lobbys environnementalistes et la majorité des médias ont rapidement choisi leur camp et ils ont déjà commencé à faire leur job de bras contre les deux provinces de l’Ouest. Les premiers ministres Dalton McGuinty et Jean Charest y sont allés d’une attaque en règle contre le gouvernement fédéral, lors de la Conférence de Copenhague. Jean Charest est même allé jusqu’à dire que les provinces pourraient contester la validité de l’engagement canadien, concernant la question climatique, étant donné que l’environnement est une compétence partagée entre les provinces et le fédéral.
«Dans un système fédéral de gouvernement, nous sommes égaux. Nous ne sommes pas les gouvernements juniors du gouvernement national, ce n’est pas vrai, ça! Il y a un partage des compétences entre nous.», a-t-il affirmé! Vous savez quoi? Il a parfaitement raison! Le seul problème, c’est que lui-même ne respecte pas ce qu’il dit, car il ferme les yeux devant la position de nos partenaires albertain et saskatchewannais. Deux poids, deux mesures!
Si Jean Charest voulait exercer un véritable leadership sur la scène fédérale, il aurait dû prendre en considération la situation économique de toutes les régions du pays. Il aurait dû, surtout, ne pas jouer à l’autruche devant le fait que l’argent des sables bitumineux rapporte des milliards de $ au Québec, par l'intermédiaire de la péréquation. Ça, c’est notre «Inconvenient Truth» à nous et nous devons l’assumer, n’en déplaise à Jean Charest!
La réplique
Dernièrement, la Canada West Foundation (CWF) a répliqué dans «Sharing the Load», un rapport qui est, pratiquement, passé inaperçu ici. À la lecture de ce rapport, on a une idée des arguments que mettront de l’avant ces deux provinces, lorsque surviendra l’inévitable confrontation avec l’alliance McGuinty-Charest. Le document explique que si nous appliquions les cibles de réduction des gaz à effet de serre de 20% par rapport à 1990, un tiers de l’économie de l’Ouest du Canada serait menacé, alors que les autres provinces ne seraient, pratiquement, pas affectées. Le PIB de l’Alberta, en 2020, serait de 260 milliards $, avec cette cible, comparativement à 295 milliards $, en temps normal, ce qui signifie une perte de 35 milliards $. De son côté, le PIB de l’Ontario resterait, pratiquement, identique avec, quand même, une diminution de 30 millions $.
Normal, dirons plusieurs! Après tout, ce sont les provinces polluantes qui doivent payer le plus!
La CWF reconnaît que la majorité des gaz à effet de serre émanent de l’Alberta et de la Saskatchewan, mais elle affirme, en contrepartie, que ce n’est pas à ces deux provinces de payer le prix d’une telle politique environnementale, étant donné que toutes les provinces canadiennes ont bénéficié de l’industrie pétrolière, notamment, par l’intermédiaire de la péréquation. Pour eux, il serait, tout autant, injustifié de leur demander cela que de demander à l’Ontario de fermer toute son industrie automobile, parce qu’elle exporte des voitures qui émettent des GES, et ce, partout en Amérique du Nord.
L’effet Wildrose Alliance
Si la négociation s’annonce déjà très corsée avec le gouvernement conservateur de Ed Stelmach au pouvoir, il pourrait se transformer en vraie crise du fédéralisme avec un éventuel gouvernement du Wildrose Alliance, en Alberta, un parti politique que mon collègue, Éric Duhaime, vous décrit dans ce texte.
Le parti autonomiste (il arbore la fleur provinciale albertaine et il milite pour que l’Alberta prélève directement l’impôt sur le revenu et pour qu’elle établisse un régime de pension propre à elle-même) nie le réchauffement climatique anthropogénique en s’appuyant, entre autres, sur le Climategate. Leur programme énergétique veut annuler les changements qui ont été, récemment, apportés aux redevances pétrolières et diminuer celles-ci pour attirer plus d’investissements privés.
À 39% dans les sondages (comparativement à 25% pour le Parti conservateur de Ed Stelmach), le parti de Danielle Smith vient de réussir un grand coup, puisque deux députés conservateurs ont abandonné le PC pour devenir députés du Wildrose Alliance. Un bon nombre de militants du PC seraient même, déjà, en train de passer au jeune parti. Tom Flanagan, véritable mentor du mouvement conservateur albertain (il a, notamment, enseigné à Danielle Smith et à Stephen Harper), y voit une menace réelle pour le PC. Selon lui, même les conservateurs de Stephen Harper sont, maintenant, divisés et ils ne savent plus avec quel parti danser le bal, en Alberta.
Les élections albertaines de 2012 sont encore loin, mais, plus le Wildrose Alliance va continuer de monter en popularité, plus l’Alberta sera déterminée à défendre son principal moteur économique. Jean Charest, lui, aura fort à faire pour expliquer comment il peut s’opposer à une industrie qui permet au Québec de se payer des programmes sociaux beaucoup plus généreux qu’ailleurs. Est-ce que l’enjeu a le potentiel de nous replonger dans une crise du fédéralisme? Difficile à dire, mais les prochains mois risquent d’être hauts en couleur! Vivement le prochain Conseil de la fédération pour assister à ce spectacle!
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