mardi 13 janvier 2009

Une vraie journaliste? (suite)

Pour faire suite à ce billet où je citais une chronique de Lysiane Gagnon de La Presse, je vous présente la suite de cette dite chronique qui est séparée en deux chroniques. Voici la première chronique!





Une riposte démesurée?


Lysiane Gagnon
La Presse

À peu près tout le monde s'entend pour dire qu'Israël a le droit de se défendre, comme le réitérait jeudi avec une louable fermeté le chef libéral Michael Ignatieff.

La dissension survient à propos des moyens. L'affirmation qui revient inlassablement, c'est qu'Israël aurait utilisé une force «disproportionnée» - soit les outils d'une armée moderne pour combattre des armes relativement primitives, en tout cas assez faciles à produire, comme les roquettes lancées par le Hamas à partir de Gaza.

D'abord, une précision : tout artisanaux soient-ils, ces missiles détruisent et tuent. La plupart des soldats canadiens tombés en Afghanistan ont été victimes de bombes dites artisanales. Leurs dommages n'en sont pas moins réels. Comme l'intention avouée et claironnée du Hamas est de semer la mort en Israël, y compris chez les civils (tous coupables d'avoir été à un moment donné conscrits dans Tsahal), on peut supposer que si les fabricants de roquettes pouvaient mieux cibler leurs tirs, elles seraient encore bien plus létales.

Mais revenons à cette fameuse «disproportion»! Israël, selon cette théorie, aurait utilisé une force démesurée pour combattre une menace mineure - un canon pour détruire un nid de guêpes, comme l'illustrait une caricature du Devoir.

Admettons! Mais alors, quels moyens exactement aurait donc dû prendre l'État hébreu face à des tirs de missiles qui se succèdent depuis des années et qui, le matériel étant de plus en plus perfectionné, ont maintenant une portée de plus en plus grande, atteignant des villes qui leur étaient inaccessibles l'an dernier?

Israël devrait-il se contenter d'envoyer ses soldats lancer des pierres à Gaza, dans une Intifada à rebours? Répliquer avec des roquettes artisanales lancées à partir de Sdérot? Peut-être Israël devrait-il transformer quelques-uns de ses enfants en bombes humaines et les envoyer se faire exploser dans les villes gazaouies, histoire d'utiliser les mêmes moyens que le Hamas? Ou encore, attendre sagement que l'Iran et la Syrie, qui sont les commanditaires du Hamas et du Hezbollah, aient permis à leurs filiales terroristes de disposer d'armements aussi sophistiqués que ceux de Tsahal?

Autant de questions posées récemment dans Le Monde par le philosophe André Glucksmann, qui ajoute sur un mode dérisoire que tant qu'à égaliser les moyens, on pourrait peut-être égaliser les fins : «Puisque le Hamas, à l'encontre de l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, s'obstine à refuser de reconnaître le droit d'exister de l'État hébreu et rêve d'annihiler ses citoyens, voudrait-on qu'Israël imite tant de radicalité et procède à une gigantesque purification ethnique? Désire-t-on vraiment qu'Israël en miroir se «proportionne» aux désirs exterminateurs du Hamas?»

«Chaque conflit est par nature «disproportionné», poursuit Glucksmann. Si les adversaires s'entendaient sur l'usage des moyens et sur les buts revendiqués, ils ne seraient plus adversaires. Qui dit conflit dit mésentente, donc effort de chaque camp pour jouer de ses avantages et exploiter les faiblesses de l'autre...»

Ainsi, alors que Tsahal utilise au maximum sa supériorité technique pour cibler ses objectifs et essayer d'éviter les pertes civiles, le Hamas utilise son mépris foncier de la vie humaine pour installer ses armements parmi les civils, de façon à utiliser les morts - surtout, bien sûr, les femmes et les enfants - comme puissante arme de propagande. On n'a qu'à voir les photos autorisées par le Hamas. Comme celles qui sortaient du Liban en 2006, elles mettent en scène de beaux enfants terrifiés ou des victimes dignement présentées, sans le côté «gory» qui compromettrait leur publication dans la presse occidentale. (On remarquera qu'il ne sort jamais de Gaza de photos où apparaîtraient des rampes de lancement... soit que les photographes palestiniens sur place s'abstiennent de les photographier, soit que le Hamas le leur interdit.)

On exige d'Israël une retenue qu'on n'exige jamais des pays engagés dans des conflits armés. À quelle armée, où que ce soit au monde, a-t-on reproché d'utiliser sa puissance de feu quand il s'agissait de défendre le territoire national? Si la Cisjordanie est une région occupée, le Sud israélien ciblé par le Hamas est bel et bien un territoire national. Encore une fois, comme la chose se produit si souvent quand il est question d'Israël, c'est deux poids, deux mesures.




Voici la deuxième chronique!




La paix? Pas pour demain...


Lysiane Gagnon
La Presse

Et après? Où donc mènera la guerre de Gaza? À un moment donné, il y aura un cessez-le-feu. Au moins la mort cessera-t-elle de faucher cette terre ensanglantée. Oui, mais après? À quand la solution politique qui seule pourrait amener une sorte de paix au Proche-Orient?

La solution politique, on le sait, passe notamment par la rétrocession de la Cisjordanie aux Palestiniens. Ce qui, une fois cette région reliée à Gaza par la route, donnerait à ces derniers un État viable. (Il y a d'autres contentieux, mais dans un contexte apaisé, bien des compromis seraient possibles.)

Hélas, les bombardements israéliens vont radicaliser l'opinion palestinienne et fournir au Hamas l'auréole du martyr. Par ailleurs, en intensifiant ses tirs de roquettes malgré qu'Israël se fut retiré de la Bande de Gaza en 2005, le Hamas a compromis pour très longtemps toute possibilité de voir Israël se retirer de la Cisjordanie.

En effet, cela a fait éclater le consensus qui ralliait depuis longtemps les Israéliens modérés. Un consensus qui tenait en trois mots : «Land for Peace». Autrement dit, on était prêt à échanger les territoires occupés depuis 1967 contre l'assurance de pouvoir vivre en paix. Même un faucon comme Ariel Sharon s'était converti à l'idée de renoncer aux territoires occupés. Seule la droite religieuse extrémiste s'y opposait.

Le modèle, si l'on peut dire, avait été la remise du Sinaï à l'Égypte, en 1979. Les deux parties avaient respecté leurs engagements.

Mais, quand Israël s'est retiré du Liban, en 1982, loin de lui apporter la paix, cela n'a fait que pousser le Hezbollah à intensifier ses attaques (ce qui a mené à l'offensive israélienne de 2006). Dans la Bande de Gaza, le retrait a été suivi d'une plongée dans la violence - guerre fratricide entre le Hamas et le Fatah, intensification des tirs de missile sur Israël... (Il y a ici un terrible fossé culturel. Pour Israël, dont les valeurs sont occidentales, un retrait est signe de bonne volonté. Pour les intégristes islamistes, c'est un signe de faiblesse. D'où leur refus du concept même de compromis.)

Résultat : il y a actuellement une majorité d'Israéliens, y compris des intellectuels qui avaient consacré leur vie à la recherche de la paix, qui ont décroché du rêve d'échanger des territoires pour la paix!

Gaza devait être le laboratoire. Le test qui dirait si un État palestinien relativement autonome pouvait devenir un voisin paisible. Cela aurait été possible. Les colons israéliens avaient laissé des serres prospères, des terres irriguées et productives. La communauté internationale et la diaspora palestinienne n'attendaient que l'occasion d'investir des millions dans le nouvel État. Les Palestiniens ont très souvent fait la preuve, partout dans le monde, qu'ils peuvent être des gens éduqués et entreprenants. Face à un gouvernement gazaoui responsable, Israël et l'Égypte auraient fini par rouvrir leurs frontières. Hélas, la Bande de Gaza, tombée aux mains du Hamas, est devenue une rampe de lancement contre l'État hébreu.

Risquer la même chose en Cisjordanie? C'était, il y a peu, un «beau risque»... qui est maintenant, pour une majorité d'Israéliens, impossible à envisager. La Cisjordanie est deux fois plus grande que la Bande de Gaza et elle est située au coeur névralgique de l'État hébreu. Nombre d'attentats sont déjà partis de là, et cette région reste un bouillon de culture pour l'islamisme radical! Le fait qu'elle soit sous le contrôle de Mahmoud Abbas, un leader modéré, n'offre pas de garantie solide, car l'Autorité palestinienne est un gouvernement faible qui pourrait fort bien être renversé par des éléments extrémistes. (C'est en partie parce que le Fatah de Yasser Arafat, dont Abbas a hérité, était corrompu jusqu'à l'os que les Gazaouis ont élu le Hamas qui, parallèlement à ses activités terroristes, s'était implanté dans la population par des organisations caritatives.)

Les Israéliens, de nouveau sur un pied de guerre, pourraient bien redonner le pouvoir, le mois prochain, au chef de la droite, Benyamin Netanyahou. Ce dernier ne voudra jamais renoncer à la Cisjordanie, tandis que les Palestiniens, éprouvés par les ravages de la guerre, auront tendance à resserrer les rangs autour de leurs leaders les plus radicaux.

Land for Peace? Un «beau risque» qui s'éloigne...

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